4 ans après son premier album « Kanta Pa Skece », l’auteur-compositeur-interprète franco-capverdien Carlos Lopes continue de creuser un sillon qui lui ressemble, celui d’un pont qui relie le Cap-Vert, sa terre natale, à la France, où il est arrivé à l’âge de 10 ans. Cet artiste qui a grandi à Nice, incarne à lui seul le concept de « créolité », cette façon d’être et de vivre « ici et maintenant », en assumant ses racines, son passé et sa double-culture.
Cette identité en constante évolution se reflète dans sa musique. Si les sonorités invitent au voyage dans les îles capverdiennes, elles évoquent aussi les inspirations du musicien, au carrefour entre la musique traditionnelle du pays (funana, morna), des styles plus contemporains comme le soul jazz ou encore le RnB.
Signe distinctif du lien indéfectible avec sa terre natale, il arbore souvent une oreille peinte en bleu, signal fort indiquant que sa musique est pleine de couleurs, celles du ciel, de la mer, des lieux et des rêves de son enfance…
Composé pendant les périodes de confinement, son deuxième album à venir, qui s’intitulera “AZUL”, apparaît comme celui de la maturité. Les morceaux sont écrits en créole ainsi qu’en français, contrairement à son premier album qui est entièrement en créole. Carlos Lopes admet que son écriture a bénéficié du recul nécessaire à l’expression de ses émotions en français, lui qui avait plutôt l’habitude de composer uniquement en créole. S’autoriser à écrire dans sa langue d’adoption est pour lui une façon de partager encore d’autres réalités qui lui appartiennent, comme les relations amoureuses, la critique sociale, ou encore la nostalgie de son pays d’origine.
La création de l’album “AZUL” rime aussi avec émancipation. En effet, en 2020, Carlos Lopes a créé son propre label, Pilar Records, afin de pouvoir être totalement indépendant.
Cet album a été l’occasion pour Carlos Lopes de rendre hommage au français et de se sentir légitime dans cet exercice, lui qui a adopté dès son adolescence les poèmes de Paul Eluard et de Stéphane Mallarmé.
Né le 1er janvier 1985 sur l’île de Santiago au Cap Vert, Carlos Lopes grandit au sein du village de Piku Burmedjo, «la Montagne Rouge ». Dans ce village, les enfants sont libres, sous la responsabilité de tous les adultes, pas seulement de ceux de leur famille. Carlos estime que cela a constitué une grande chance pour lui. En effet, très jeune, le petit garçon rêveur passe des heures à contempler son univers où il sait trouver d’emblée la Beauté cachée en toute chose observée. Des instants auxquels il attache beaucoup d’importance et qui alimentent de manière précoce ses réflexions sur la Vie, l’Être et le Devenir.
Ces moments précieux, Carlos les traduit en musique afin qu’ils restent au creux de son cœur et de sa mémoire. Il nourrit très tôt le désir de les transmettre, afin que ces petits refrains, trésors nés de ses observations attentives servent aussi à d’autres. Encore enfant, il n’écrit pas mais improvise beaucoup, par le biais du chant, pour faire passer ses messages. Une pratique courante au Cap Vert où la tradition orale du conte, des fables, des devinettes et des devises est une richesse vivante et inépuisable. Dans les expériences instinctives du petit homme résonne l’influence du batuque, air traditionnel polyrythmique capverdien.
Durant toute son enfance, Carlos nourrit ainsi sa créativité́ à la source du métissage culturel et musical du Cap Vert, à la croisée de l’Afrique et du Portugal. Sur l’île de Santiago, surnommée l’Africaine, les rêves de Carlos grandissent à chaque retour au pays des émigrés : dans ses yeux, les ainés reviennent transformés comme s’ils étaient passés dans une boîte magique et qu’ils en étaient ressortis meilleurs. Avec de nouveaux habits, une peau différente, sans terre, des parfums subtils et inconnus…
Mais ce qui le touche profondément, c’est surtout la musique qu’ils ramènent dans leurs bagages : grâce à ces disques vinyles, il découvre des sonorités, rythmes, langues, gestuelles et danses venues de loin, qui alimentent et entretiennent son appétit et sa curiosité artistique. Pour lui, c’est une préparation passionnante pour cet ailleurs qu’un jour lui aussi ira rencontrer… Et ce jour finit par arriver : peu avant ses 10 ans il atterrit au Portugal et une semaine plus tard rejoint sa famille en France. Pour lui c’est le début d’une nouvelle aventure et la fin de son enfance insulaire au milieu de ceux qui ont vu éclore son talent.
Carlos continue sa route à Nice où il doit très vite s’adapter, trouver sa place et tout d’abord apprendre le français. Dans tous ces bouleversements, une anecdote pleine de sagesse : ses premières lectures en français, à la bibliothèque de son école, sont des petites poésies. En les parcourant, il réalise que si dans son nouveau pays certains ont pu écrire ces mots et parler du beau dans cette langue nouvelle pour lui, réussissant à exprimer ainsi tout ce qu’il n’avait pas encore écrit mais qu’il avait imaginé dans sa langue maternelle sur sa petite île à des milliers de kilomètres, c’est qu’il se trouve au bon endroit. À partir de ce constat, il est rassuré et tout devient beaucoup plus simple… Il se sent à sa place, serein.
A 16 ans il se décide à prendre ses premiers cours de chant privés. Sa mère accepte de les lui offrir, sans se douter qu’il a déjà l’envie d’en faire son métier. Plus tard à 20 ans ce sera le conservatoire National de Nice puis celui de Paris où il étudie le chant lyrique, le jazz et la musique actuelle.